La Machine Infernale

dimanche 22 janvier 2012


La Machine Infernale
Cocteau




Critique :

 Curieusement, je ne connaissais pas vraiment Cocteau en tant qu'écrivain mais plutôt en tant que cinéaste. J'ai constaté il y a peu de temps que ses domaines d'expression étaient plutôt nombreux : poésie, peinture, cinéma... Après la lecture d'Oedipe Roi de Sophocle, et après avoir vu l'opéra d'Unescu joué par la Fura Del Baus à Bruxelles, je décidai de découvrir ce mythe sous une autre de ses coutures en lisant une version plus contemporaine de la pièce : La Machine Infernale, de Cocteau.

 A la différence de la tragédie de Sophocle, la Machine Infernale relate l'histoire d'Oedipe depuis sa rencontre avec le Sphinx, alors qu'Oedipe Roi démarre bien plus tard, quand Oedipe recherche le meurtrier de Laïos sans savoir qu'il est lui même l'homme qu'il traque.

 La pièce de Cocteau est présentée par une "Voix", qui n'est pas un personnage à part entière, mais est omnisciente et ouvre chaque acte. Elle incarne le concept omniprésent dans l'histoire : le rôle du Destin et la vulnérabilité des mortels face à lui. Les personnages ne seront que de simples pions soumis aux caprices des dieux...

"Regarde, spectateur, remontée à bloc, [...] une des plus parfaites machines construites par les dieux infernaux pour l'anéantissement mathématique d'un mortel."

 Dans le premier acte, le fantôme de Laïos apparait sur un chemin de ronde, cherchant à joindre Jocaste, sa femme. Il n'y rencontrera que deux soldats, mais c'est sans compter les deux personnages qui y mettront leur grain de sel... Ce début est surprenant quand on connait le mythe "classique", et à la fois étrange, grinçant et plein d'humour, ce qui sera aussi le cas du reste de la pièce. C'est l'occasion de voir Oedipe, Jocaste, Tirésias et tous les autres comme nous ne les avons jamais vu ! Le Sphinx surtout est très différent de la créature démoniaque que l'on connait, vous le verrez par vous mêmes...

 L'ironie tragique est très présente dans cette pièce pour le spectateur qui connait bien l'histoire et son issue : par exemple, on marche à deux reprises sur l'écharpe de Jocaste, avec laquelle elle se pendra ; de nombreuses références sont faites à la cécité qui atteindra Oedipe à la fin.

 Le texte est aussi parsemé d'anachronismes (voulus par l'auteur) : la présence d'Annubis (dieu égyptien) est plutôt étonnante en Grèce...

 J'ai apprécié la façon de raconter l'issue du mythe et sa conclusion, qui fait référence au début. Mais les trois autres actes m'ont autant plu que le dernier. En somme, j'ai beaucoup apprécié cette pièce qui m'a fait redécouvrir Oedipe (et qui m'a même donné envie de le dessiner !). D'ailleurs, pour pousser cette découverte encore plus loin, je compte lire d'autres versions d'Oedipe, et la Machine Infernale ne sera pas le dernier livre que je lirai de Cocteau.




Coupie

La Cantatrice Chauve


La Cantatrice Chauve
Ionesco



Critique :



Après la lecture de Rhinocéros de Ionesco, j'ai voulu rester dans le même univers en enchaînant sur la Cantatrice Chauve du même auteur. J'y ai trouvé quelque chose de bien différent de ce que j'avais lu dans Rhinocéros !

Résumer cette pièce de théatre n'est pas facile, pour la bonne raison qu'il n'y a pas vraiment d'histoire comme l'entend, c'est à dire avec le schéma narratif auquel on pense quand on entend le mot "récit" ou "histoire". Aucune intrigue n'est vraiment construite et développée dans cette pièce où les personnages font un monologue permanent, ne s'écoutant pas entre eux.

La scène d'exposition montre un couple, les Smiths. Ionesco se moque du théatre en exagérant ses codes et en en montrant toutes les ficelles : ainsi, Mme Smith arrive à donner son nom, sa nationalité et son lieu de résidence (très peu naturellement) dans une seule réplique.

L'auteur tourne aussi en dérision les relations mondaines entretenues par les familles Smith et Martin : en effet, leurs dialogues sont vides de sens et sonnent creux. Les personnages sont rendus tellement superficiels qu'ils sont interchangeables, et si vous avez lu la pièce en entier, vous comprendrez que je n'écris pas cette phrase au hasard. Mais je n'en dirai pas plus sur l'issue de l'histoire.

En lisant cette pièce, l'on passe un moment agréable grâce à l'humour et le côté insolite de la plupart des répliques. Mais la Cantatrice Chauve vous parlera plus si vous avez déjà lu quelques pièces de théatre, en raison du caractère parodique et décalé de certaines scènes.

Malgré cette chronique plutôt courte (difficile de critiquer une telle pièce sans trop en dévoiler), j'ai apprécié cette lecture, qui a eu le mérite de m'étonner et de me faire sourire. Elle est sans doute encore mieux quand on la voit jouer, donc si j'en ai un jour l'occasion, je le saisirais !

Coupie

Rhinocéros


Rhinocéros
Ionesco



Critique :


Un deuxième livre lu dans le cadre du challenge A&M théâtre : Rhinocéros de Ionesco. Une autre pièce que j'aurai fini par découvrir de toutes façons, et qui n'a pas manqué de me surprendre.

L'acte 1 débute par une très longue didascalie plantant le décor. Il en sera de même pour les autres actes. La scène se déroule dans un cadre assez ordinaire, avec les personnages que l'on s'attend à trouver sur la place d'un petit village : les épiciers, un vieux monsieur, le serveur d'un café... Mais un événement insolite vient briser cette scène plutôt banale : un rhinocéros au galop. A partir de ce moment, tout dérape. Les personnages se mettent à crier chacun leur tour dix fois de suite des répliques telles "Oh, un rhinocéros !" (on m'a dit que Ionesco voulait ainsi caricaturer le théâtre, genre qu'il n'appréciait guère, ce qui est plutôt étonnant, au vu du nombre de pièces dont il est l'auteur). S'ensuit alors un long débat entre les personnages sur un sujet ne répondant absolument pas à la question initiale : d'où vient ce rhinocéros ? Echappé d'un zoo ? Même pas...

Rhinocéros est une pièce plutôt drôle, les situations sont souvent loufoques et absurdes. Parfois, on doit suivre deux conversations en même temps, les répliques s'alternent, et c'est assez difficile à suivre. Mais le texte en lui même n'est pas d'une grande difficulté de lecture, le style de l'auteur reste simple... naturel ? Pas toujours, car certaines répliques se veulent être une caricature du manque de naturel des répliques de beaucoup de pièces de théâtre. Effet voulu, donc...

Malgré son côté comique, la pièce reposerait sur des thèmes plus sombres, et en particulier la montée du totalitarisme. Si l'on ne me l'avait pas dit avant, je ne sais pas si j'aurai eu cette interprétation. Cependant, j'ai très bien senti la critique de l'effet de groupe que l'auteur a sûrement voulu faire passer.

Pour conclure, j'ai beaucoup aimé la lecture de cette pièce vivante et drôle, qui donne envie d'être vue jouée !

Coupie

Le Cid


Le Cid
Corneille


Critique :

  Il y a quelques temps encore, j'étais persuadée que le théatre n'était pas fait pour être lu et qu'il valait mieux, pour découvrir une pièce, la voir jouer. Ce sont en partie les cours de français sur le théatre classique qui m'ont démontré le contraire. Depuis, j'ai lu plusieurs pièces, classiques ou plus contemporaines. Le Cid de Corneille était une lecture inévitable... Je me suis donc plongée dans ce texte en essayant de mettre de côté tous les clichés sur la difficulté de cette oeuvre, et, parfois, sur l'ennui que pouvait inspirer leur lecture ! Eh bien, je n'ai pas été déçue.

Petit rappel de l'histoire : Don Rodrigue et Chimène s'aiment. Leurs pères consentaient à leur mariage jusqu'à ce qu'ils se querellent à propos du poste de précepteur auprès du roi, poste convoité des deux hommes. Le père de Chimène, jaloux, gifle Don Diègue, le père de Rodrigue. Celui ci, trop vieux pour se venger, charge Don Rodrigue de le faire à sa place et de tuer, par un duel, son rival. Don Rodrigue se retrouve tiraillé entre son amour et l'honneur paternel.

 Il est difficile de comprendre la volonté de Don Diègue de tuer Don Gormas, père de Chimène, juste pour "préserver son honneur", car les mentalités ont beaucoup évolué depuis le XVIIème siècle (heureusement) et un tel scénario serait difficile à concevoir aujourd'hui. Cela rend la pièce intéressante et fait réfléchir sur ces valeurs que défendaient les nobles de l'époque.

Mais l'on peut dirz que l'amour de Chième et Rodrigue reste, lui, intemporel et c'est une facette émouvante des personnages, et que l'on peut comprendre. Plus discrète, l'Infante, sans être un personnage clé, est encore plus attachante. Elle est princesse, mais cela ne change rien à son amour pour Don Rodrigue, rendu impossible par leurs rangs différents et par la relation de celui ci avec Chimène, qui, bien qu'inférieure à la princesse en rang, a l'avantage de pouvoir faire de Rodrigue son époux. L'Infante aimerait cesser d'aimer pour arrêter d'en souffrir, mais elle ne peut pas changer ses sentiments. Elle attire notre sympathie, c'est une héroïne pathétique assez typique de la tragédie classique.

La décision de Rodrigue face à son dilemme m'a beaucoup surprise. Solidement ancrée à mon époque, je n'avais pas imaginé qu'il puisse privilégier son "honneur", tuant le père de celle qu'il aime. La fin aussi m'a surprise : le dernier acte n'a pas vraiment de conclusion "certaine", plusieurs fins sont possibles, contrairement à d'autres tragédies classiques. Ce n'est pas plus mal, je pense que cela laisse place à l'imagination du lecteur...

 J'aurai pu parler d'autres aspects de la pièce, mais j'ai peur de trop en dévoiler à ceux qui n'ont pas encore découvert cette oeuvre. Je confluerais donc en disant que, loin de me rebuter, l'écriture de la pièce en alexandrins m'a rendu la lecture très agréable et rythmée, et m'a donné envie de la lire à voix haute. Une vraie poésie, mais en même temps une longue histoire... que rêver de mieux ?

Coupie

Challenge A&M théatre


1.Roméo et Juliette, Shakespeare
2.Les fourberies de Scapin, Molière
3.Le jeu de l'amour et du hasard, Marivaux
4.Le Cid, Corneille 
5.Antigone, Jean Anouilh
6.La cantatrice chauve, Ionesco 
7.Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand
8.Le mariage de Figaro, Beaumarchais
9.Le sorcières de Salem, Arthur Miller
10.Huis clos, Jean Paul Sartre
11.Nos amis les humains, Bernard Werber
12.Une femme sans importance, Oscar Wilde
13.Les combustibles, Amélie Nothomb
14.Les monologues du vagin, Eve Ensler
15.On ne badine pas avec l'amour, Alfred de Musset
16.Rhinocéros, Ionesco 
17.Fin de partie, Samuel Beckett
18.Musée haut, musée bas, Jean Michel Ribes
19.La machine infernale, Jean Cocteau 
20.L'illusion comique, Corneille

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Je voudrais vous présenter le concours qui a lieu sur un blog que j'aime beaucoup, tenu par Tom, mon correspondant :)


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Le Mage de la Montagne d'Or

vendredi 9 décembre 2011

Le Mage de la Montagne d'Or
- Alexandre Levine -
Éditions Artalys


 
  • Résumé :
    Un étrange mage du nom de Wärsani se rend à la cour d'Yssourak, le souverain du vaste royaume du Tourpana, où, usant de ses pouvoirs magiques, il enlève la favorite du roi. Quelques jours plus tard, une jeune fille à la sublime beauté se présente. Elle dit s'appeler Astarya et être la fille du mage. D'après elle, Wärsani a acquis l'immortalité, et tant de pouvoirs que les dieux eux-mêmes ne sauraient le vaincre. Il est devenu le Seigneur des Ténèbres. Astarya propose néanmoins de protéger Yssourak contre celui qu'elle assure être son père. L'offre est tentante, mais qui est vraiment Astarya ? Le roi s'apprête-t-il à introduire dans son palais une alliée ou bien une vipère au service de Wärsani ? Astarya ne le cache pas : c'est la vie du roi qui est en jeu. Et insensiblement, les forces des Ténèbres commencent déjà à étendre leur emprise sur le royaume.
  • Critique :

A première vue, "Le Mage de la Montagne d'Or" semblait être le parfait exemple du roman fantasy. Comme je trouve que ce genre se répète un peu trop encore certains récits, et bien que je n'y sois pas totalement hermétique, cela faisait un moment que je n'en avais pas lu. Mais ce tour de lecture organisé par le Sanctuaire et les éditions Artalys m'a donné envie de m'y remettre... j'aime varier mes lectures, et un peu de fantasy de temps en temps ne fait de mal à personne !

Le "Mage de la montagne d'Or" est en fait Wärsani, un étrange magicien osant venir demander l'une des femmes du harem d'Yssourak, roi du Tourpana. Le mage montre rapidement l'étendue de ses pouvoirs en enlevant la concubine d'Yssourak au nez et à la barbe de ce dernier. Quelques jours plus tard, Astarya, la fille du mage, se présente à la cour, affirmant vouloir aider le Tourpana face à la menace que représente Wärsani, seigneur des Ténèbres dont la puissance dépasserait celle des dieux. Mais Astarya reste la fille de Wärsani : est elle digne de confiance ? Yssourak et son royaume parviendront-ils à vaincre le mage ?

L'une des premières choses qui frappent dans ce récit est l'ambiguïté du personnage d'Astarya. Durant tout le roman, nous ne savons pas quoi penser de ce personnage à qui nous brûlons pourtant de donner notre confiance car elle semble être la seule personne capable de vaincre son père. L'étendue de ses pouvoirs fait que si Astarya est une excellente alliée, elle peut aussi devenir une redoutable ennemie. Mais comment l'auteur peut-il nous faire douter du côté de ce personnage tout en nous dévoilant ses pensées et son point de vue ? En faisant en sorte qu'Astarya ne sache pas elle mêle ce qu'elle veut. Au cours du roman, elle semble en même temps vulnérable et intouchable, déterminée et hésitante. C'est un personnage plein de contradictions, à la différence de Wärsani, qui lui sait parfaitement ce qu'il veut : vaincre Ylaïnäkté, dieu des dieux, et régner sur le monde... rien que ça !

La personnalité des "dieux" est elle aussi étonnante. Le culte inventé par l'auteur dans ce roman conserve bien une certaine hiérarchie entre les hommes et les dieux, mais ici, Ylaïnäkté n'est pas omnipotent, ni même omniscient. En effet, il n'est pas capable de prévoir exactement les événements futurs, pas qu'Astarya qui lit dans les étoiles. De même, il n'est pas invincible et la montée en puissance de Wärsani le met fortement en péril.

Dans ce roman, les personnages font donc partie des éléments les plus construits et travaillés du récit. Cependant, les lieux sont eux aussi riches en descriptions, le Tourpana et le palais d'Yssourak autant que la Montagne d'Or. On imagine comme si on y était le cadre de l'histoire, sans aucun besoin de carte. Je pense que c'est un point fort, n'aimant pas devoir sans arrêt me référer à une carte pour suivre un récit. D'ailleurs, il arrive que ce soit un signe que l'auteur n'a pas su faire passer les informations de la carte dans le roman. Il n'y a pas de cela ici et le domaine de Wärsani, merveilleux palais au centre de la montagne mais aussi porte des enfers si on descend plus bas, est rempli d'attraits malgré sa dangerosité.

En revanche, si les descriptions des personnages et des lieux sont complètes et détaillées, certaines cations semblent brèves alors qu'elles ont une importance capitale. Je ne peux malheureusement en dire plus, craignant de trop en dévoiler, mais j'aurai eu plusieurs exemples à citer.

J'ai parfois trouvé qu'il manquait un petit quelque chose dans les dialogues. Peut être qu'il y en avait trop, ils en perdaient parfois leur utilisé et leur réalisme. Certaines paroles n'ont pas besoin d'être dites...

En dehors de cela, le style de l'auteur est fluide, agréable et le roman est de ceux qui "se lisent bien". J'ai apprécié cette lecture entraînante que je conseille aux adeptes de fantasy. Je remercie les éditions Artalys et le Sanctuaire de la Lecture pour l'organisation de ce tour de lecture.


Coupie
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