La Machine Infernale
Cocteau
Cocteau
Critique :
Curieusement, je ne connaissais pas vraiment Cocteau en tant qu'écrivain mais plutôt en tant que cinéaste. J'ai constaté il y a peu de temps que ses domaines d'expression étaient plutôt nombreux : poésie, peinture, cinéma... Après la lecture d'Oedipe Roi de Sophocle, et après avoir vu l'opéra d'Unescu joué par la Fura Del Baus à Bruxelles, je décidai de découvrir ce mythe sous une autre de ses coutures en lisant une version plus contemporaine de la pièce : La Machine Infernale, de Cocteau.
A la différence de la tragédie de Sophocle, la Machine Infernale relate l'histoire d'Oedipe depuis sa rencontre avec le Sphinx, alors qu'Oedipe Roi démarre bien plus tard, quand Oedipe recherche le meurtrier de Laïos sans savoir qu'il est lui même l'homme qu'il traque.
La pièce de Cocteau est présentée par une "Voix", qui n'est pas un personnage à part entière, mais est omnisciente et ouvre chaque acte. Elle incarne le concept omniprésent dans l'histoire : le rôle du Destin et la vulnérabilité des mortels face à lui. Les personnages ne seront que de simples pions soumis aux caprices des dieux...
"Regarde, spectateur, remontée à bloc, [...] une des plus parfaites machines construites par les dieux infernaux pour l'anéantissement mathématique d'un mortel."
Dans le premier acte, le fantôme de Laïos apparait sur un chemin de ronde, cherchant à joindre Jocaste, sa femme. Il n'y rencontrera que deux soldats, mais c'est sans compter les deux personnages qui y mettront leur grain de sel... Ce début est surprenant quand on connait le mythe "classique", et à la fois étrange, grinçant et plein d'humour, ce qui sera aussi le cas du reste de la pièce. C'est l'occasion de voir Oedipe, Jocaste, Tirésias et tous les autres comme nous ne les avons jamais vu ! Le Sphinx surtout est très différent de la créature démoniaque que l'on connait, vous le verrez par vous mêmes...
L'ironie tragique est très présente dans cette pièce pour le spectateur qui connait bien l'histoire et son issue : par exemple, on marche à deux reprises sur l'écharpe de Jocaste, avec laquelle elle se pendra ; de nombreuses références sont faites à la cécité qui atteindra Oedipe à la fin.
Le texte est aussi parsemé d'anachronismes (voulus par l'auteur) : la présence d'Annubis (dieu égyptien) est plutôt étonnante en Grèce...
J'ai apprécié la façon de raconter l'issue du mythe et sa conclusion, qui fait référence au début. Mais les trois autres actes m'ont autant plu que le dernier. En somme, j'ai beaucoup apprécié cette pièce qui m'a fait redécouvrir Oedipe (et qui m'a même donné envie de le dessiner !). D'ailleurs, pour pousser cette découverte encore plus loin, je compte lire d'autres versions d'Oedipe, et la Machine Infernale ne sera pas le dernier livre que je lirai de Cocteau.
Coupie